La gare Saint-Charles

  • Marseille avant l’arrivée du train.

Au début du 19e siècle, même si Marseille s’étale au-delà de ses premiers murs d’enceinte, elle reste enclavée, séparée de l’intérieur des terres par les barrières rocheuses qui l’encerclent.
De plus, fidèle à son histoire, elle reste tournée vers la mer. Au sortir de la ville, les routes sont peu sûres et souvent difficilement praticables. Toutes les voies ne sont pas carrossables et quant elles le sont ce sont des voies lacunaires c’est-à-dire dont l’empierrement est discontinu.

  • La première ligne de chemin de fer marseillaise.

Les milieux d’affaires et la ville étaient hostiles à un projet de gare et refusaient d’investir. De plus, jusqu’en 1842, l’Etat n’était pas dans l’obligation de financer la construction et l’exploitation de lignes ferroviaires.
Mais c’est par la demande en houille, le pain noir de l’industrie, que la demande va basculer. En effet, la situation économique de Marseille a bien évolué depuis 1825. La navigation à vapeur y est en plein développement et de nombreux entrepreneurs ont commencé à « vaporiser » leur système de production, notamment dans le raffinage du sucre et l’huilerie de graines oléagineuses. La Révolution industrielle est en marche.
Il y a certes le charbon des mines de Trets, Peypin, Gardanne mais celui-ci répond mal à la demande : il est de qualité médiocre et reste onéreux du fait du coût de l’extraction. Il devient donc urgent et rentable d’investir dans le chemin de fer.

  • La naissance de la gare Saint- Charles.

En 1840, on ne parle pas encore de gare mais d’embarcadère ; lieu où les trains arrivent. Le concept de gare, c’est-à-dire d’un bâtiment important ou d’un ensemble de bâtiments qui sont l’aboutissement de tout un réseau ferroviaire, sera créé quelques années plus tard.
Un ingénieur Paulin Talabot propose deux solutions pour le site de l’embarcadère : dans la première, il envisage de construire une gare de marchandise à la Joliette et une gare des voyageurs à la place Pentagone (emplacement actuel de la place Marceau) ; dans la seconde solution, la gare de marchandise est maintenue à la Joliette, mais celle des voyageurs est située plus au Sud-Est, place Saint-Bernard du Bois, à proximité du plateau Saint- Charles. Dans les deux cas de figure, la localisation de la gare de la Joliette ne semble poser aucun problème particulier. D’autant plus qu’ après de longues années de polémiques, les Ponts et Chaussées avaient pris la décision de construire un port auxiliaire au Nord du Lacydon, dans l’anse de la Joliette, pour désengorger la calanque originelle. La seule gare dont la localisation pose problème est, donc, celle des voyageurs.
Le coût, la fonctionnalité et la rentabilité, tous les paramètres plaident en faveur du site de Saint-Charles.

La gare sera inaugurée le 8 janvier 1848. Elle se compose d’un immense vestibule où se trouvent des salons et des salles d’attente. Autre particularité des lieux : le nombre de toilettes. Durant tout le 19ème siècle, les voitures n’en étaient pas pourvues et les voyages étaient forts longs. L’arrivée du train dans la ville,en 1848, a eu un retentissement que l’on ne peut imaginer. L’automobile n’existe pas encore. Durant longtemps encore le cheval sera  roi.

Cependant, la gare n’est pas devenue le carrefour urbain dont on rêvait. Les relations entre la gare et les zones portuaires sont mauvaises.
La situation s’améliore nettement au cours des années 1870, lorsque la gare du Prado d’abord (1872), puis celle de Rive Neuve (1878), sont enfin construites. Trente ans après l’inauguration de la gare Saint-Charles, les quartiers industriels du Sud et de l’Est peuvent enfin compter sur un outil ferroviaire efficace.

  • L’évolution des années 1870.

Au début des années 1870, de nouvelles machines plus puissantes voient le jour. Ces nouvelles locomotives, plus un trafic de voyageurs toujours plus dense rendent la gare trop exiguë. De grandes fermes métalliques vont permettre cette extension. C’est la halle historique que nous connaissons encore.

De nouveaux bâtiments viennent compléter cet agrandissement. Les quais sont alors appelés des trottoirs qui sont numérotés de 1 à 7. Des échoppes de journaux et d’objets divers font leur apparition dans la halle.
Le réseau ferroviaire concernant les marchandises s’étend également. En 1891 est créé une ligne directe l’Estaque – la Joliette.
En 1896 est construite la gare d’Arenc qui va jouer un grand rôle avec le commerce vers l’Afrique et l’Asie.
Malgré son succès et sa modernisation, la gare Saint Charles reste une forteresse bien difficile d’accès pour les piétons. Parmi les solutions envisagées par les élus municipaux, il y en a une qui était en vogue alors : le funiculaire. Finalement, c’est l’idée d’un grand escalier qui l’emporte. Mais comment le financer ? Il fut prévu qu’un emprunt serait fait et remboursé par une surtaxe perçue sur la vente des billets au départ de Marseille vers Paris. Cette décision fut homologuée en 1912 mais la guerre éclata et ce n’était plus là une priorité.
Les escaliers seront inaugurés en 1927. Dés le début, ils eurent un grand succès. Par leur monumentalité, leur caractère majestueux. A ce jour, il est classé monument historique.

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  • Les années de guerre.

Au lendemain de la guerre, la gare est très endommagée. La verrière soufflée sera reconstruite et certains bâtiments seront définitivement démolis. C’est l’occasion de moderniser les lieux.

  • Les années 1970-1980.

En 1975, la gare est de nouveau en chantier. A ce projet de rénovation s’ajoute le désir de la municipalité de réaliser deux lignes de métro et un tunnel routier.
La gare disposera alors de deux niveaux, l’un pour les départs, l’autre pour les arrivées.
En 1983, un attentat terroriste va réduire à néant toutes les nouvelles installations qui viennent à peine d’être inaugurées.

  • La gare aujourd’hui.

Dans le cadre du projet d’aménagement Euroméditerranée, la gare St Charles a connu d’importants travaux de réaménagement. La façade principale du bâtiment a ainsi été rénovée en son état d’origine seul le auvent ayant été supprimé, tandis que le hall principal a été prolongé d’une immense verrière de 160 m de long, la Halle Honnorat, permettant d’agrandir l’espace d’accueil des voyageurs et d’ouvrir la gare vers la faculté qui la jouxte et le boulevard Charles Nédélec.

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Outre une surface commerciale importante, ce nouveau hall inclut également la gare routière désormais de plain-pied avec les quais des trains, rendant l’ensemble agréable à fréquenter, quand quelques années en arrière encore, les lieux étaient lugubres.

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