Ateliers d’écriture avec le poète Nicolas Tardy

L’auteur marseillais Nicolas tardy a animé plusieurs ateliers d’écriture poétique au lycée professionnel Ampère.

D’octobre 2013 à avril 2014, il est  intervenu dans trois classes (seconde, seconde CAP, terminale CAP).

Travailler sur l’imaginaire et le mettre en phrases ne fut pas chose aisée pour tous. L’angoisse de la feuille blanche est un stigmat qui perdure. Mais quand ils se sont prêtés au jeu, certains se sont découverts des facilités d’écriture. Certains élèves se sont laissés guider par leurs rêves, d’autres ont puisé dans leur vécu. Au final, chacun fut fier d’avoir réussi à s’exprimer. Ces ateliers permettent aux élèves de prendre confiance en eux, en leur parole, en leur écriture. Ils permettent, également, d’appréhender différemment le cours de français et la poésie. On ne leur impose plus un support à étudier, ils sont le support de leurs écrits. Nous avons, autant, travailler l’écriture que la mise en voix. Ils se sont aperçus que lire un texte, c’est aussi faire partager des émotions.

Certains de ces ateliers se sont déroulés en classe, d’autres ont été le pretexte à des balades urbaines.

NICO

Chaque séance a été l’occasion de présenter aux élèves différentes techniques d’écriture liées à la poésie ou au récit (qui sont les formes que je pratique en tant qu’écrivain).
Certaines contraintes d’écriture ont été utilisées dans plusieurs classes, mais les résultats furent très variés car chacune de ces classes avait une thématique de travail particulière :

  • des goûts & des couleurs, pour les secondes ;
  • le voyage, pour les secondes CAP ;
  • la rencontre avec l’autre, pour les terminales CAP.

Pour introduire ces techniques, Nicolas Tardy s’est parfois appuyé sur la présentation de textes d’auteurs. C’est ainsi que les élèves ont écrit :
• des listes de choses qu’ils jugent élégantes, sur le modèle de Sei Shônagon, japonaise qui vivait il y a 12 siècles.
• des autoportaits — mais à la troisième personne — sous forme de listes, détaillant leurs actions quotidiennes, sur le modèle du poète Anne-James Chaton (français, 1971).
• des alternances de phrases commençant par Je et par Tu.
• des souvenirs sucrés, salés, colorés.
• des rimes. Parfois en partant de reproductions de tableaux contemporains. Ainsi certains poèmes présents dans cette publication ont été écrits face à Meurtre n°18, de Jacques Monory (français, 1924) ou Sainte Mère la vache de Bernard Rancillac (français, 1931).
• de petites histoires, réelles ou fictives, qui commencent par une phrase imposée. 
• des poèmes, où certains mots (inscrits en italique) et leurs emplacements étaient également imposés. Ces mots provenaient de deux poèmes dont j’avais fait disparaître de grandes parties : Cher Frère Blanc de Léopold Sédar Senghor (sénégalais, 1906-2001) et le début du long poème Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France de Blaise Cendrars (français, 1887-1961).
• des terines. Il s’agit d’une forme de poème, composé de 3 strophes de 3 vers où les mots qui finissent les 3 premiers vers changent de place dans les strophes suivantes. Les élèves ont découvert cette forme à travers un poème de Paul Fournel (France, 1947).
• le parcours qu’ils effectuent entre leurs maisons et le lycée, en essayant de retransmettre le plus de sensations possibles, sur le modèle de Guillaume Fayard (français, 1975) dans son livre Promenades aux phares.
• des vers arythmonymes. Il s’agit d’une manière d’écrire en comptant le nombre de 1mots pour chaque ligne. On peut décider d’utiliser le même nombre de mots par ligne (vers réguliers) ou d’augmenter le nombre (vers croissants), ou de diminuer
le nombre (vers décroissants). Les élèves ont découvert cette forme à travers un poème de Ian Monk (anglais, 1960).
• des présentations de leurs lieux et modes de vie, faites à un individu qui en ignore tout.
• des mésostiches. Il s’agit de poèmes où un mot inscrit à la verticale, sert de colonne vertébrale et de sujet (ici des noms de lieux) au poème. Les élèves ont découvert cette forme à travers des poèmes écrits par le compositeur John Cage (américain, 1912-1992).

Voici quelques uns de leurs textes:

Réveil en blanc
Mais je vois tout en noir.
Perdu dans mes pensées noires
Pareil au pou perdu dans une immense barbe noire.
De toute manière, on finira tous dans une boîte, enfermés dans l’éternité noire.
Je voudrais dormir mais encore et toujours du noir.
Drap blancs.
Pensées colorées en pensant à ses lèvres roses.
Rêver devant l’écume blanche.
Oublier l’entrainement et la couleur du sang rouge.
Avenir peut-être en bleu ?
Revenir à des choses simples, s’émerveiller devant des arbres verts.
S’émerveiller à l’automne quand ces mêmes feuilles deviennent jaunes.
Profiter car nous sommes tous destinés à disparaître, à ne devenir qu’une infime poussière
grise.
Pensez-vous que nous soyons immortels ?
Fadaaka

Pureté blanche
Des idées noires.
Enterrer un proche vêtu de noir.
Peur noire.
Souvenir d’un crime commis dans le noir.
Consolation, la beauté de ta peau blanche.
Jeté d’une rose.
Dans le ciel, quelques nuages blancs.
La couleur du sang rouge.
Un coin de ciel bleu.
Des feuilles vertes.
La blessure de rayons de soleil jaunes.
Journée grise.
Journée difficile, doit-on toujours voir la vie en noir ?
Bradley

Des fleurs de nénuphars blanches.
Des personnes aux destinées noires.
Qui plongent notre monde dans le noir.
Au final, on finira tous dans le noir.
Vision tout en noir.
Comment sortir de ce défilé d’idées noires ?
Une rose éclatante, pureté absolue de blanc.
Coucher de soleil coloré de rose.
Beauté abstraite en blanc.
Couleur du sang qui coule rouge.
7Des fleurs bleues.
Des feuilles vertes.
Magnifique soleil jaune.
Des nuages pluvieux annoncent une journée tout en gris.
Chaque couleur désigne un sentiment, une passion. Qu’en pensez-vous ?
Jules

En ce temps là, je passais beaucoup de temps auprès de ma grand-mère mais elle tomba
malade.
J’avais pris la voiture pour la conduire à l’hôpital.
Trop d’embouteillages, l’impression de ne jamais pouvoir arriver à temps sur les lieux.
Conduire en ville : un enfer !
Et j’étais très inquiet.
Car elle était très malade.
Comme elle souffrait !
Je l’aimais comme ma propre mère.
Le soleil ne semblait pas la réchauffer.
Les yeux épuisés
J’étais de plus en plus stressé mais nous n’eurent pas la chance d’arriver à temps. Elle
mourut durant le trajet.
Du coup je ne savais pas quoi faire.
Elle était la dernière personne de ma famille encore en vie.
J’avais déjà perdu mes parents.
J’ai alors décidé de mettre fin à mes jours.
Bouba

En ce temps là, mon grand-père était encore là.
J’avais tous les jours sa visite.
Il venait me chercher à la sortie de l’école au lieu de se reposer.
Il venait en ville et m’attendait.
Et à midi il m’emmenait, souvent, déjeuner au restaurant.
Car sa principale préoccupation était moi !
Même s’il n’était pas riche comme un qatari
Mais juste comme un petit retraité.
Tous les jours, il était le rayon de soleil qui illuminait ma journée.
Ses yeux me regardaient avec tendresse.
Mais j’étais, alors, bien naïf
Je ne savais pas qu’il ne serait pas toujours là.
Ange

Dans une salle de bain
Aux couleurs sombres
On y va, on y vient
Dans la pénombre
Le regard fixe dans le miroir
Les mains et les pieds liés
S’y reflète notre désespoir
Drôle de destinée
On se voit parmi les corps
On s’imagine face au tueur
On frôle la mort
Mais ce n’est qu’imagination, on ne se laissera pas gagner par la peur
Mickaël K.

Je revois parfaitement la scène….

Je viens pour ma leçon de conduite.
Tu mets ta ceinture et tu démarres.
Je vais où ?
Tu prendras la première à droite.
J’aime pas quand il y a beaucoup de circulation.
Tu cesses de parler et tu te concentres !
Je continue jusqu’au feu ?
Tu ralentis et tu fais un créneau.
Je suis bon ?
Tu as encore beaucoup de progrès à faire ! Tu ne sais toujours pas te garer !
Farès

Je revois parfaitement la scène. J’étais dans l’avion direction Marseille. Il faisait nuit et on ne voyait absolument rien à travers le hublot. Je me suis retourné, tous les passagers dormaient. J’ai mis les écouteurs afin d’écouter un peu la télévision. Bercé par les voix que j’entendais, je n’ai pas tardé à m’endormir à mon tour. Puis est venue l’heure du repas. Repas pris en commun et pourtant chacun de son côté ! Vers quel avenir
m’emmenait cet avion ? Quelle serait cette nouvelle vie ?
Fayadhui

Je revois parfaitement la scène. En début d’année, je me suis disputé avec Jonathan. Il avait mis « le démon » en moi. Quand je repense, avec du recul, à ce qui s’est passé, je trouve cela ridicule et puéril. Au final, c’est un gars plutôt cool. J’ai fait preuve de violence et je le regrette. Non seulement, j’ai abîmé du matériel du lycée mais en plus je me suis fait mal. Tout cela pourquoi ? Que des mauvaises raisons ! Conclusion, il faut réfléchir et ne pas réagir instinctivement. À coup sûr, on le regrettera !
Bouba

Je revois parfaitement la scène. J’étais sur un yacht, cigare à la bouche. Soudain, j’aperçus une femme qui se noyait. Ce n’était pas n’importe quelle femme mais Rihanna. Je sautais à l’eau afin de lui prêter secours. Mais un requin avait décidé de s’en mêler. Je pris mon courage à deux mains et je le fis fuir. Rihanna était sauvée ! Mais quelle femme ! Une femme bavarde, imbue de sa personne. Je décidais de la rejeter à la mer. Enfin seul et du silence ! Mais le réveil sonna et je revint à la réalité ! Pourtant, je revois parfaitement la scène !
Yassine

Il…
Il s’habille.
Il est pressé.
Il oublie sa carte de bus.
Il prend les moyens de transport en commun.
Il verra bien si un contrôleur se présente.
Il arrive au lycée sans problème.
Il retrouve ses amis.
Il va en cours.
Il recopie la leçon sur son cahier.
Il écoute le professeur.
Il veut réussir !
Il est midi.
Il a faim.
Il se rend à Auchan pour acheter de quoi déjeuner.
Il a fini sa journée.
Il refait le trajet en sens inverse.
Il arrive.
Il se détend un peu.
Il joue avec sa PS3.
Il rassemble ses affaires pour le lendemain.
Il se prépare à revivre la même et interminable journée, rythmée par les mêmes
évènements.
Kévin

Un homme prend des photos, son appareil tourné vers le ciel. Le ciel est comme un tableau géant. Sur fond bleu éclairé par un arc en ciel, des nuages en forme d’animaux semblent s’animer.
Yann

Un homme prend des photos, son appareil tourné vers le ciel. Il voit un avion. Son hélice se brise. Les gens qui assistent à la scène s’affolent et crient. Il appelle les pompiers. Que des dégâts matériels, il les a sauvé. Ils auraient pu être écrasés !
Anis

eNcore
plus mAgnifique
qu’en Peinture
eLle
laissE
Sans voix !
Thomas

Ma ville
aux accents chantAnts
nouveautés pouR cette vieille cité
3 au Soleil partout présent
méditErranée
île du frIoul
plages de gaLets
baLade émerveillée
pas le tEmps de s’ennuyer !
Anthony

Paris
et ses chAmps elysées
la touR eiffel
le musée d’orsay, le louvre ou encore le musée grévIn
autant de lieux preStigieux qui ne manqueront pas de vous
émerveiller !
Attoumane

comment parler de cette ville sans évoquer l’oM !
et sa fameuse cAnebière !
sans oublieR, le vieux-port
Ses calanques
survEillées par notre dame de la garde
sa fameuse cornIche
ses îles du friouL
Le panier
sans compter ses nouveautés, marseille sE refait une beauté !
Patrice

Mamoudzou en est la capitale
dzAvudzi, lieu de son aéroport
l’ylang Ylang : arbre aux fleurs très parfumées.
nager dans l’Océan indien.
observer les Tortues déambulant, le soir, sur les plages.
société maTriarcale
pays de mon Enfance.
Fayad

En voyant cette ville, j’ai eu envie de fuir. Les voyageurs sont épuisés par le trajet. Je
n’aime pas voyager. Ma grand-mère souffrante, il a bien fallu se résoudre à se rendre à
son chevet. Plus de commentaires : une valise à préparer et un train à ne pas manquer !
Bouba

Cher voisin,
Quand je suis chez moi
J’ai envie de te tuer
Surtout depuis que je suis malade
Et que je suis cloîtré ici
À rester dans le noir
Depuis que tu es arrivé
Impossible de se reposer
Tu étais vraiment la pire chose qui pouvait m’arriver
Tu étais la cause de tous mes malheurs
Tu es la pire chose sur terre
Tu as tout fait pour m’exaspérer
Tu as tout fait pour m’épuiser
4Tu es la pire chose sur terre
Quand cesseras-tu ?
Alors vas-tu me foutre la paix !
Julien

Cher ami,
Quand je t’ai rencontré
Je n’ai pas pensé qu’on s’entendrait
Je suis plutôt méfiant
Je suis plutôt distant
J’avais perdu ma valise et je voyais tout en noir
On m’a dit de m’adresser à toi qui par inadvertance avais pris mes bagages
Tu étais sur la plage de ton hôtel
Tu étais en charmante compagnie
Tu es venu vers moi
Tu as tout de suite compris ton erreur
Pour t’excuser, tu as tenu à m’inviter à une soirée
Tu es à l’origine de notre amitié
Quand j’y pense, rien ne devait nous réunir
Alors, à quand de nouvelles vacances ?
Mohamed

Mon cher Billel,
Quand je t’ai vu,
Immédiatement, j’ai compris !
Je suis dans ta classe depuis tant d’années,
Depuis que je suis au collège.
Tu es dans les pires de mes cauchemars, impossible de t’oublier même dans le noir !
Toi, Billel,
Tu étais le grain de folie de ces dernières années.
Tu étais celui qui m’embrigadait dans les ennuis.
Tu es toujours le même, malgré toutes ces années.
Tu as ce drôle d’humour.
Tu as cette capacité à tant parler.
Tu es celui qui anime les cours.
Quand vas-tu cesser ?
Alors que pourrais-tu faire pour changer ?
Dylan

Chère amie,
Quand je suis auprès de toi,
J’ai l’impression de perdre tous mes moyens.
5Je suis tombé amoureux de toi.
Je suis obsédé par ta pensée.
Sans toi, tout me semble noir ! !
Parles- moi de toi.
Dis-moi qui tu étais.
Mais tu étais trop aveugle pour voir ce que je ressentais.
Tu es le rayon de soleil de mon existence.
Tu as su m’ensorceler.
Tu as su faire de moi ton prisonnier.
Tu es celle qui a volé mon cœur.
Quand t’en apercevras-tu ?
Alors peut-être notre histoire pourra commencer !
Kévin

Cher frère,
Quand tu es parti de la maison,
J’ai complètement dérapé.
Je suis devenu quelqu’un de mauvais.
Je suis devenu une personne que l’on n’aime pas fréquenter.
Mon âme a pour couleur le noir.
Je pense à toi.
Tu étais mon guide.
Tu étais comme un père pour moi
Tu es le seul à pouvoir m’aider, me conseiller.
Tu as tant fait pour nous.
Tu as toujours su remplir ton rôle et assumer tes devoirs.
Mon grand frère, tu es dans mon cœur.
Quand je ferme les yeux, je nous revois complices et heureux.
Alors, reviens avec nous à la maison.
Samir